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Quatre générations de bougnats dans le quartier Saint-Germain-des-Prés au Café du Métro

En ces années 1950, le Café du Métro se trouve au cœur du petit monde germanopratin des lettres, des arts et du spectacle. Les orchestres de jazz remplissent les caves du quartier. À deux pas, sur le trottoir opposé de la rue de Rennes, à l’emplacement de l’immeuble moderne où se trouve aujourd’hui le cinéma L’Arlequin, le cabaret La Rose rouge connaissait son heure de gloire, installé au sous-sol de la brasserie Lumina. On pouvait y applaudir, entre autres, les Frères Jacques ou la compagnie Grenier-Hussenot, sous l’animation d’yves Robert. Johnny Hallyday y fit ses premiers pas. À quelques pas de là, rue du Vieux-Colombier, le théâtre du Vieux-Colombier s’est transformé en club de jazz, autour de l’orchestre de Claude Luter, et il n’est pas rare d’y reconnaître Martine Carol, Orson Welles, Fernand Ledoux ou Marcel Aymé. Le Café du Métro bénéficie de cette intense vie nocturne et compte parmi ses habitués François Truffaut, Henri Salvador ou Charles Trénet, pour n’en citer que quelques-uns.

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C’est au contact de ces artistes que grandit Colette, la fille unique de jean et Marcelle. Un jour, sa grand-mère sert un homme d’origine africaine. Surgissant de l’arrière-boutique à cet instant avec sa mère, la petite fille, étonnée, lance :« Oh ! regarde, Maman, le monsieur, il est tout noir ! ». Très confuse, la grand-mère présente ses excuses et commence à réprimander la fillette. Mais l’homme l’interrompt: « Laissez, Madame, c’est une enfant, et elle est tellement mignonne!» Il revient le lendemain, avec un gros sachet de bonbons. C’était Sydney Bechet, qui se produisait alors en face, à La Rose rouge

Tous les clients ne sont pas aussi débonnaires. Une nuit, jean Naudan voit débarquer une bande d’énergumènes déguisés en prêtres et religieuses, braillant à tue-tête. Vu leur état d’ébriété avancée, il refuse de leur servir de l’alccol. Comme ils insistesnt et deviennent menaçants, Jean Naudan, qui est une force de la nature, se saisit du meneur, le hisse au dessus de sa tête et fait mine de vouloir l’expédier dans l’escalier de la bouche de Métro. L’individu proteste, se débat et finit par crier : « Mais laissez-moi, vous ne me reconnaissez pas, c’est moi Jacques Martin »!

Troisième génération, Colette et Gérard Monnaye

Colette, peut-être influencée par la fréquentation de ce monde du spectacle, décide de devenir journaliste, faisant en 1969 ses premiers pas. Mais bon sang ne saurait mentir, c’est au journal l’Auvergnat de Paris qu’elle collabore. Et en 1973, elle épouse Géard Monnaye, un fils de boucher. Le repas de noces est organisé dans les salons du Lutetia voisin.

Le jeune marié rejoint se belle-famille dans la gestion de l’établissement, et sa connaissance du milieu de la viande, est déterminante au moment où les cafés évoluent vers la restauration. Apparaissent alors les croque-monsieur au pain Poilâne, dont la boulangerie est toute proche, rue du Cherche-Midi.

Soucieux de rester en phase avec son temps, le nouveau patron du Café du Métro offre de nouveaux services à la clientèle, s’équipant d’une machine pour recevoir les dépêches AFP ainsi que de machines à sous. De son côté le quartier change, les cabarets cèdent la place à des boîtes de nuit qui connaissent quelque renommée telles Castel, le Cœur Samba, ou la Palmeraie. Le Katmandou s’installe dans les murs du Vieux-Colombier.

Quatrième génération, Christophe et Anne Monnaye

Les décennies se succèdent, les générations également. Gérard et Colette Monnaye ont deux fils, Christophe et Nicolas. En 1997, sous le regard attentif du grand-père, Jean Naudan, c’est au tour de Christophe de prendre les rênes, secondé par son épouse Anne, une Aveyronnaise elle aussi, puisque native de Laguiole.

Le quartier Saint-Sulpice est devenu un des temples de la mode, attirant une clientèle raffinée. Il faut faire évoluer le Café du Métro en harmonie avec son environnement. Comme à chaque génération, les jeunes gens innovent. Ils développent une restauration soignée, modernisent de fond en comble les cuisines qu’ils installent au sous-sol pour accroître la surface d’accueil de la clientèle, et, parmi les premiers à Paris, proposent à celle-ci une connexion gratuite wfi à Internet. Ajoutons, pour être complet, que de son côté le frère cadet, Nicolas, après avoir fait ses armes comme chef de rang dans divers établissements parisiens, suit les traces de son aîné et reprend en 2010 la direction du café Les Oiseaux 45 rue de Sèvres, en face des grands magasins du Bon Marché.

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Présente dans le quartier depuis des lustres, la famille Legrand/Naudan y a acquis une certaine notoriété. Le 10 mars 1971, jour de ses quatre-vingts ans, Émilie Magne, la doyenne, se voit remettre la Médaille de bronze de la Ville de Paris par le député de l’arrondissement, Pierre Bas, en présence du maire, Pierre Récamier. Et le 27 novembre 1997, c’est au tour de jean et Marcelle Naudan de se voir remettre cette même Médaille de bronze par Jean-Pierre Lecoq, maire de l’arrondissement. C’est ainsi que, quatre-vingt-dix ans après les arrière-grandsparents, la quatrième génération d’une même famille perpétue au cour du vie arrondissement l’esprit d’entreprise qui caractérisa si bien les Aveyronnais montés au début du siècle dernier tenter leur chance à Paris. Fidèle à ses origines rouergates comme à son enracinement dans le vi arrondissement, la famille du Café du Métro prépare, peutêtre même, une cinquième génération de bougnats avec la naissance de deux enfants, Jules et Augustine

Jean-Pierre Duquesne
Bulletin de la Société Historique du VI e arrondissement de Paris – N°23

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