Au fil de ses livres, Jean-Michel Cosson s’est spécialisé sur les crimes aveyronnais. Après “Les affaires Criminelles de l’Aveyron” et un “Siècle de faits divers en Aveyron” voici “Les Nouvelles Affaires Criminelles de l’Aveyron.”
«Tu viens d’un pays où l’on saigne les gens comme des cochons».
Voilà ce qu’on disait parfois aux Aveyronnais jusqu’à la Guerre de 14. Ça peut faire sourire aujourd’hui où l’Aveyron arrive dans les derniers rangs question délinquance. Il n’empêche, comme le rappelle en substance Jean Michel Cosson en introduction de son livre “Les Nouvelles Affaires criminelles de l’Aveyron”, le Rouergue a longtemps eu la réputation d’un pays de crimes. Certains faits divers “médiatisés” ont tellement marqué les consciences, à commencer par l’affaire Fualdès, que l’opinion avait finalement associé l’Aveyron à ses auteurs.
Jean-Michel Cosson s’est plongé dans les archives criminelles de Rodez pour en exhumer une jolie litanie d’affaires. Au-delà du sang, il y a matière à réfléchir à l’évolution des mœurs du Payss. Evidemment, il y a les bandits de grand chemin, les ennemis publics comme le célèbre Mandrin au 18e siècle et surtout Bouissou, brigand d’Alpuech et terreur de l’Aubrac qui sévît en pleine période révolutionnaire avant d’être abattu par deux gendarmes de Laguiole. Il devint une sorte de légende comme un Cartouche à Paris. Cambrioleur, violant la veuve, soupçonné d’assassinat, il n’en vivait pas moins sur le pays exerçant une fascination sur ses habitants durant des siècles. Il y a aussi les empoisonneuses de mari à l’arsenic. Comme Jeanne Cougoule jugée à Rodez en 1816, pas moins de sept femmes convaincues d’empoisonnement monteront à l’échafaud en place du Bourg entre 1817 et 1842.
Il y a aussi les crimes sociaux. Jean-Michel Cosson consacre un chapitre à la défenestration de l’ingénieur des mines Watrin de Decazeville jeté par la fenêtre par des mineurs en colère. Leur procès sera largement couvert par tous les grands journaux de l’époque. Il est emblématique des débuts de la 3eme République et des débats ardents entre bourgeoisie conservatrice et gauche ouvrière et révolutionnaire.
A l’époque des quotidiens millionnaires en tirage, les faits-divers font vendre du papier. Ainsi le curé Boudes, est aussi un très bon sujet car sa soutane cache un sacré lascar… Empoisonneur, violeur, pédophile, escroc, le curé Boudes va longtemps sévir avec la protection du clergé. Après un premier internement dans un asile à Montpellier, le curé récidive… cette fois-ci dans l’abus de faiblesse. Il faudra 20 ans pour le voir passer en cour d’assises à la grande jubilation de la presse anticléricale qui accuse l’évêque de Rodez de faire pression sur les témoins. Boudes finira ses jours à Cayenne.
Evidemment, Rodez a aussi connu ses crimes passionnels de maris cocufiés. Et ses criminels de circonstances dont l’Occupation a malheureusement fourni son lot. A côté des collabos et des collaborateurs de la Gestapo, Jean-Michel Cosson relate également les méfaits des faux résistants dans l’Aubrac qui venaient détrousser les paysans en leurs signant des faux certificats. Le traitement des affaires plus récentes est plus sommaire. S’agit-il de garder des munitions pour un prochain ouvrage…ou ne pas ranimer des cendres mal éteintes ?
Quatre questions à l’auteur.
A-t-on commis plus de crimes en Aveyron qu’ailleurs ?
«Pour m’être penché sur nombre d’affaires criminelles en Aveyron et sur d’autres départements, on ne peut pas dire que l’Aveyron soit un département plus criminogène que d’autres. Mais le fait est que l’affaire Fualdès au 19e siècle a eu un retentissement si considérable qu’on a pris l’Aveyron pour un département où les crimes étaient à la fois affreux et odieux. »
Dans votre livre, vous évoquez Bouissou, un brigand de l’Aubrac. Le plateau avec ses terres sauvages et ses hameaux isolés a dû servir de refuge aux criminels de toutes sortes ?
«Certes, la configuration du relief permet de se cacher plus facilement. Jusqu’à l’Empire, la gendarmerie est très peu présente sur l’Aubrac. Et les familles soutiennent souvent ces bandits qui veulent d’abord échapper à la conscription. Du coup, pas mal de gens restent impunis du fait d’une absence de l’autorité. Ça va changer quand Napoléon va instaurer les préfets qui vont lutter contre le brigandage.»
A propos du cas de l’Abbé Boudes, est-ce qu’on peut déceler certains traits communs avec d’autres affaires comme celle de l’abbé Maurel dans la façon dont le clergé a essayé de laver son linge en famille ?
Il est toujours difficile de comparer deux histoires à un siècle de distance. Ce qui est sûr, c’est qu’avec l’affaire Boudes, le clergé a tenté d’étouffer l’affaire en déplaçant le curé à plusieurs reprises. Pour l’abbé Maurel, le contexte est différent car le pouvoir de l’église est moins important qu’au XIXe siècle même si les langues ont eu du mal à se délier. Une chose est sûre pour les deux affaires : dans les deux cas, la justice est passée.»
A partir de 1945, vous réservez un traitement aux affaires et les gens ne sont plus cités que par des initiales ?
«Evoquer des affaires récentes, c’est plus difficile car on rentre dans la vie intime des familles impliquées. Il y a deux ans j’ai publié “Un siècle de faits divers en Aveyron” où sont traitées les affaires récentes mais de façon plus succinctes comme l’Affaire Maurel ou l’affaire Stranieri.»
“Les Nouvelles Affaires criminelles de l’Aveyron”
Jean-Michel Cosson
De Borée Editions
Prix : 26€