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Jo Petrucci, latino rouergat !

On peut être né en Italie et être plus Aveyronnais que bien des Rouergats. Le destin singulier de Jo Petrucci, Ancônitain d’origine, venu en Aveyron construire les barrages est là pour l’attester. Son passage dans le maquis, son travail pour les barrages et sa réussite à la tête de « l’Ambassade d’Auvergne » en font un exemple à méditer en ces temps de communautarisme et de débat entre le droit du sol et le droit du sang. Sa volonté de devenir français, le respect de certaines valeurs comme la parole donnée qui se perdent, y compris chez les Aveyronnais, en font un exemple à méditer.

«C’est moi c’est l’Italien…» chantait Serge Reggiani. Jo Petrucci, né aux environs d’Ancône mais plus Aveyronnais que beaucoup, pourrait reprendre le refrain en songeant à ses premières années rouergates.
 Fils d’immigré italien ayant fui le fascisme, il suit son paternel sur les chantiers de la ligne Maginot. En 1940, il déboule toujours en famille à Saint-Amans des Côts pour participer à la construction du barrage de la Selve. Avec le nord de la Loire occupé par les nazis et l’Italie en guerre avec la France, Jo n’a sans doute pas échappé au coup du mépris pour le « Macaroni ». Mais il n’a pas connu longtemps les vexations scolaires. Son certif en poche, Jo fera le manœuvre sur le chantier du barrage de la Selve. A ne pas confondre avec celui de Sarrans (photo ci-dessous de 1934).

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Photo du barrage de Sarrans par le docteur Gondal.

Pour payer sa formation de comptable, il a son accordéon et ne se prive pas de jouer brise-pieds et autres bourrées dans les bals d’Espalion ou d’Entraygues. La musique l’aide à se faire des copains. Un jour de 1943, des maquisards armés font irruption dans la salle de bal où jouent Jo et ses musiciens. «Ils nous ont dit que l’on n’avait pas le droit de danser alors que des patriotes se battaient.. Ca m’a fait d’autant plus d’effet que je n’avais qu’un seul but  : être français». Jo intègre le maquis FTP et au guidon de sa Norton 500cc carburant à l’alcool à brûler, il fait l’agent de liaison.
La guerre finie, Jo reprend son accordéon pour accompagner l’explosion de joie de la libération. Deux ans plus tard, en 1947, il rencontre son épouse, dont les parents, originaires de Saint-Amans, tiennent un hôtel sur la Côte d’Azur. Un an plus tard, ils sont mariés. Et Jo va continuer, comme comptable, à œuvrer pour les barrages aveyronnais comme ceux de Pareloup, qui vont modifier si profondément la physionomie du pays.


A la fin des années cinquante, ses beaux parents le mettent en relation avec un grand patron de Paris. Il devient le gérant de fait du Quick Elysées, endroit réputé pour son adresse sur les Champs-Elysées et surtout son escalator. «J’ai appris le travail des produits frais, la restauration et aussi toutes les malices de la limonade…» Mais Jo veut devenir son propre patron. Il va prendre les rênes du Royal Niel. Pas longtemps.
« J’étais malheureux derrière le comptoir, je m’y sentais triste. Moi, je voulais faire du pays, je cherchais quelque chose de grand.»

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En 1966, il tombe sur « l’Ambassade d’Auvergne ». «Il y avait encore les Halles et tout ce qui allait avec, les filles etc… La première fois que j’ai emmené ma femme visiter l’endroit elle a fondu en larmes.» Mais l’homme s’accroche à sa volonté de faire du terroir 35 ans avant la mode. Ses amis aveyronnais du monde des bistrots veulent bien lui prêter des sous mais ils ne croient pas du tout au concept. «A l’époque, ils mangeaient l’aligot chez eux. »
Contre toute attente, »l’Ambassade d’Auvergne » va vite se faire un nom. Elle sait attirer les grands chroniqueurs gastronomiques et les stars de l’époque, à commencer par Fernand Raynaud. Jo Petrucci devient l’Auvergnat de service. Son endroit est plein midi et soir. Des jeunes du pays comme Gilbert Costes viennent y faire leurs premières armes. Aujourd’hui, l’Ambassade est tenue par sa fille Françoise.
Le restaurant est toujours aussi couru. «Si j’avais été plus homme d’affaires, il y aurait cinquante « Ambassades d’Auvergne » aujourd’hui. Mais je ne suis qu’un passionné et il y a d’autres choses. J’ai toujours veillé à respecter ma parole, ne pas faire de crasses, et cela se sait sur la place de Paris. »


Aujourd’hui, Jo Petrucci partage sa vie entre Paris et Montézic, mais pour une retraite pépère. Il surfe sur le web et n’arrête pas de voyager avec son épouse et garde un œil sur son Ambassade.