C’est l’histoire d’un amour inaltérable, fidèle et inassouvi. Depuis 70 ans, Georges Girard vénère Emma Calvé. Cette immense cantatrice de la Belle Epoque qui a donné son nom à la place principale de Millau fut pour cette ville à son époque ce que les Beatles furent pour Liverpool : une star mondiale adulée par les peuples et les têtes couronnées et à ce titre un objet de fierté. Georges Girard a vu passer devant lui l’objet de cet amour à l’âge de 13 ans.
Il décrit la scène dans le livre qu’il a consacré à Emma Calvé. A l’époque il la voyait derrière les vitres donner des leçons d’art lyrique à des jeunes filles. Ce n’était plus la femme totale, sensuelle, enchanteresse, mélodieuse, changeante et généreuse au firmament de sa carrière…
Mais c’était toujours un mythe pour l’écolier qu’il était alors.
Le gardien du temple de la mémoire d’Emma Calvé
Georges Girard, gardien du temple de la mémoire de la déesse millavoise, reçoit dans un petit bureau situé au sous-sol de la mairie annexe de Millau. C’est là qu’il classe le courrier et entretient les correspondances avec tous ceux qui, pour une raison ou pour une autre, s’intéressent à la cantatrice. Après avoir été secrétaire dans un office de médecine du travail durant 30 ans, ce fils d’ouvrier gantier, lettré, a finalement été embauché en 1975, par la municipalité de Millau comme archiviste. C’est aussi l’une des mémoires vivantes de Millau, auteur de plusieurs ouvrages sur la ville.
Ce n’est par pour rien que Georges Girard est également le président de la société d’Etudes Millavoises, société d’études historiques qui réunit des historiens de Millau. Mais, en l’occurrence, il est aussi et surtout président de l’association des Amis d’Emma Calvé et n’hésite pas à prendre sa plume pour par exemple écrire à un magazine de télévision quand telle fiction télévisée se permet d’associer Emma Calvé à des turpitudes.
Les reliques de sa belle dans un deux pièces …
Chaque soir, après avoir quitté son bureau municipal, il retrouve sa belle.
Dans les deux pièces de son modeste appartement de Millau, il a entassé pieusement toutes les reliques qui restent d’Emma.
Morte oubliée et ruinée, les derniers objets personnels de la cantatrice avaient été rachetés par Mme Hurbin, châtelaine de Creissels qui, connaissant la passion de Georges Girard, les lui avait confiés.
Les lourds et chamarrés costumes de scènes de Carmen ou de Chérubin ou encore le tapis du Boudha du Swanni, ce mage hindou dont s’était entichée Emma sont aujourd’hui sous la garde de Georges. Il ouvre les malles fait respirer les étoffes et il époussette les bijoux les peignes et les poupées mexicaines.
Et puis il relit toute cette correspondance, ces lettres tendres et amoureuses et musicales que le compositeur Jules Massenet adressait à sa belle, ou les mots amicaux de Colette.
Un Musée pour sa muse ?
«Je suis un homme blasé et lassé» confesse Georges Girard. Il s’est battu durant des années pour donner aux objets d’Emma un espace d’exposition plus adapté que son deux pièces. Il a entendu les promesses.
Il y a plus de dix ans , il avait caressé l’espoir de pouvoir faire racheter l’illustre château de Cabrières et vouer ce magnifique castel à la mémoire son ancienne propriétaire. Planté sur les hauteurs des causses entre Séverac et Millau, la cantatrice l’avait acquis au firmament de sa gloire. Elle y hébergeait des enfants pauvres de Millau.
Le Castel était ensuite devenu la propriété des Guibert, les célèbres gantiers de Millau. Ceux-ci l’ont vendu mais pas à l’association des Amis d’Emma Calvé…. Alors Georges s’est mis en quête d’un autre endroit.
Les édiles de Millau successifs lui ont fait des vaines promesses durant des années…. Aujourd’hui, une lueur d’espoir est venue du maire de Montpellier. Georges Frêche a en effet baptisé du nom d’Emma Calvé l’une des maisons de quartiers de sa ville, Georges Girard a été invité et a pu préparer une petite exposition. Depuis cette inauguration –est-ce un hasard ? , – des projets se font à nouveau jour. Ainsi le maire de Millau lui a promis un espace tandis que la municipalité de Tournemire l’a également approché. Comme le confirme madame le maire Monique Barbaro.
Celle-ci souhaiterait faire acquérir par la commune le couvent dans lequel Emma fit sa communion solennelle pour en faire un centre culturel avec par exemple un espace dédié aux stagiaires de l’abbaye de Sylvanès mais également un espace consacré à Emma. Mais le projet n’en n’est qu’à ses prémices…