Expatriés

Chef Sailhac, le maître cuisinier aveyronnais de Big Apple

sailhac1Alain Sailhac vit à New-York depuis plus de vingt-cinq ans. 
Ce Millavois, grande figure de la cuisine française, dirige l’institut culinaire français à Manhattan. 
Une école prestigieuse qui initie les Américains à la grande cuisine française. Une école située à moins d’un mile de l’emplacement des deux tours anéanties du World Trade Center.

rueny2Après le 11 septembre, l’école et son restaurant ont fermé une semaine, mais les étudiants ont travaillé.
 «Au début, nous étions dans le périmètre interdit mais nous avons obtenu un laisser-passer de la mairie pour vider nos frigos. On a alors préparé des repas pour les sauveteurs. On en a servi entre 1000 et 1200 chaque jour. Nous avons nourri également trois casernes de pompiers et un commissariat. La plupart de mes étudiants étaient volontaires pour faire la cuisine à des flics et des pompiers qui ne mangeaient plus que des sandwichs depuis des jours. Mais nous devions travailler avec un masque pour ne pas sentir cette odeur métallique acre qui prenait à la gorge». nous a confié Alain Sailhac treize jours après l’attaque. 

Le 11 septembre Alain Sailhac ne l’oubliera pas, il était chez lui, à l’autre bout de Manhattan. 
« Je balayais ma terrasse lorsque ma femme m’a appelé pour voir la télévision, j’ai été écrasé. Presque au même moment, ma secrétaire qui habite à Battery Park, au pied des deux tours, me téléphone pour me dire qu’elle ne viendrait pas au bureau. Elle a réussi à s’en sortir avant l’effondrement des tours, et à s’enfuir dans un bateau de pêcheur, depuis je ne l’ai pas revue.»

plannyAlain Sailhac connaît d’autres survivants dont certains se demandent pourquoi ils sont en vie. C’est le cas de l’un de ses anciens apprentis devenu le chef d’un des trois restaurants du « Window of the World » situé au 107 ème étage d’une des deux tours. 
«Ce matin là, il avait fait un détour chez l’oculiste dans la galerie commerciale du sous-sol . Les 73 membres de son restaurant, eux, ne sont sans doute plus de ce monde. Lorsqu’il parle plus de cinq minutes, il ne peut pas retenir ses larmes» confie Alain Sailhac. Lui, se rappelle les visages de ces pompiers de la caserne toute proche de la 43e rue, pour lesquels il avait fait un repas le 25 juin dernier. Tous les membres de cette caserne sont aujourd’hui disparus.
«Depuis aujourd’hui, (l’interview remonte au 24 septembre-NDLR), je sens que c’est reparti. Mon restaurant est au trois quarts plein et le parking d’en face, complet. 
New York est une ville qui gueule et quand ça gueule ici, tout va bien. Même si je suis né à Millau que j’aime, j’aime N.Y.
Ici, j’ai mes amis, quand je vais au restaurant, je connais tout le monde. La solidarité et l’énergie de cette ville est stupéfiante.» Une chose est sûre, l’Aveyronnais qu’il est n’a pas eu besoin d’apprendre pour faire montre d’énergie et de solidarité.

Bon à savoir : Le restaurant de l’école culinaire du Chef Sailhac s’appelle « L’école », il se situe à l’angle de Grant St et Broadway (462). Les tarifs vont de 28$ à 42$. Possible d’y manger mais réserver 1 semaine à l’avance.

Parcours d’un chef globe-trotter
Alain Sailhac compte parmi ces expatriés Aveyronnais dont la vie confirme la sagesse du proverbe « Nul n’est prophète en son pays ».
Né à Millau en 1936, il débute à 14 ans par porter le charbon chez Campion. A l’époque, c’était l’un des deux restaurants de la cité millavoise, alors prospère, à afficher une étoile Michelin. Très vite, Alain Sailhac prend la route vers son destin, il monte à Paris, passe par l’Hôtel du Claridge, l’hôtel Normandy devant la Comédie Française, rejoint Rhodes, avant de filer à Chicago travailler au Perroquet.
Son heure de gloire sonne à New York durant les années 80. Le New York Times, le quotidien de l’élite, attribue une quatrième étoile aux deux restaurants qu’il dirige successivement, le Cygne et le Cirque.
C’est en 1991 qu’il intègre comme doyen, le French Culinary Institute. Ce grand chef est l’un des deux Maîtres Cuisiniers de France aveyronnais avec Michèle Fagegaltier de l’hôtel-restaurant du Vieux Pont de Belcastel, une confrérie qui défend l’image de marque et le savoir-faire de la gastronomie française.
Cet Aveyronnais confesse avoir du mal à servir à ses clients américains des tripoux. «Ca, ca ne passe pas. En revanche, je réussis à leur faire des civets de lapin même s’ils ont du mal avec la sauce toute noire, je fais des soufflés au roquefort ainsi que des feuilletés. Le Roquefort que l’on reçoit ici n’est pas mauvais, quoique un peu salé. »