Amicales et Folklore

Paris-Pays : Le Dossier

« Je t’aime moi non plus». Les rapports entre Parisiens et gens du Pays n’ont jamais été simples. S’il y a une passion partagée pour la nature aveyronnaise, et des liens familiaux toujours forts, il y a aussi, depuis longtemps, quelques lignes de clivage selon que l’on soit ici ou là.

Les Aveyronnais du pays sont fiers de cette omniprésence aveyronnaise dans la capitale, une présence parfois prestigieuse, qui fait qu’ils se sentent un peu chez eux là-haut. Il en va différemment l’été, lorsque les « doryphores », c’est ainsi qu’on appelle les Parisiens depuis belle lurette, débarquent. Cela vaut surtout pour la partie nord du département. Car les Aveyronnais de Paris, sont aussi des Parisiens. Une espèce de Français à part qui a toujours fait peur à la province. Des gens qui semblent fous, toujours à courir après une place de stationnement, de théâtre, de cinéma, de s’emballer pour un événements culturel déconcertant (ci-dessous la techno-parade)… Des êtres capables de s’endetter pour payer une studette le prix d’un château sur un causse…

Le tarissement de la « filière limonado-parisienne » ?
Combien sont-ils ceux qui montent encore du Pays pour se lancer dans la limonade ? Dix, vingt. Ils étaient des centaines il y a encore deux décennies. La filière Paris-bistro n’attire plus comme auparavant les cadets rouergats des zones rurales qui prenaient la route de la capitale. Des parcours comme ceux de Pascal Franco du Petit Suisse ou de Hervé Vayssettes du Garabit, pour ne citer que ces exemples, sont devenus l’exception.
«Aujourd’hui quand on passe des annonces dans les journaux du Pays, on ne trouve plus personne,» lance Maurice Cayron qui tient le Bailli de Suffren. Et d’ajouter «C’est un paradoxe mais on a désormais l’impression que les jeunes parisiens originaires d’Aveyron sont davantage motivés. Quand on a un coup de bourre, ce sont plutôt eux qui répondent que les petits neveux du pays. »

Inversement, vu d’en bas, confronté au vieillissement de la population et la désertification, on pourrait penser que c’est mieux que les jeunes demeurent au Pays. Sauf que « l’hémorragie » continue. Par la fonction publique par exemple. L’Ile-de-France concentre un Français sur cinq et elle a besoin de fonctionnaires, professeurs, policiers, infirmiers. Parmi eux, on compte bien des Aveyronnais. Et pourtant sur place, ce que les jeunes recherchent, c’est un boulot près du pays. «On cherche à éviter Paris à tout prix. On cherche alors sur Montpellier ou à Toulouse. » résume un jeune. Situation confirmée par les statistiques.

parisvaysett«Paris m’a ouvert l’esprit ! » Témoignage d’Hervé Vayssettes, natif de Bozouls, patron du Garabit, parisien d’adoption récent.
Monté voilà quatre ans avec son épouse Lara, ces deux trentenaires ont quitté des jobs à Rodez bien établis, lui d’enseignant de langue, elle de secrétaire de direction trilingue, pour tenter l’aventure du bistro parisien. Ils ne regrettent rien et le referaient. En revanche, s’ils ont gardé intact leur passion pour le pays, leur regard sur les Aveyronnais semble avoir changé.

Paris fait-il vivre l’Aveyron ?
Sans doute plus qu’aucun autre département l’Aveyron cultive un lien très étroit avec Paris. Il n’est pas que passionnel. Il est aussi économique. Les transporteurs confirment la vitalité du trafic entre Paris et le Pays. «Il a toujours été très important,» explique Francis Valette qui dirige une entreprise de transport millavoise avec deux implantations à Rodez et en Ile-de-France. «Nous transportons pas mal d’imprimés et de papeterie. On fait aussi du vin et de la fouace de temps en temps. Mais il faut bien reconnaître que les petits producteurs, plus orientés vers l’alimentaire, sont souvent très indépendants. Ils ne veulent pas jouer la carte du groupage.» poursuit le transporteur. Dommage car avec les bistros et la vogue du terroir, sur laquelle surfe quelques belles maisons Aveyronnaises, il y a encore des débouchés.

«Attention, on a beau être Aveyronnais,  les bistros Aveyronnais ne nous font pas de cadeaux. »explique un producteur. Même, s’il est vrai aussi que le dispatching des marchandises à Paris demeure un sacré défi. « Une chose est sûre, pour les produits frais, le transport à partir d’Aveyron , c’est un frein au développement. On ne trouve pas de solution. » ajoute le professionnel.
Dans le sens de la descente, c’est depuis longtemps l’argent des « Parisiens » qui descend s’investir au pays. La plupart du temps dans des constructions ou les rénovations de maisons. Encore qu’on a vu, en son temps, un Cazes investir dans une pisciculture à Laguiole et un des frères Costes dans une usine de couteaux. Mais l’essentiel du flux a permis à de multiples entreprises du bâtiment de vivre. Le mouvement aurait tendance à se tasser.
Il n’empêche, habitués au secteur privé à sa concurrence, bien des Aveyronnais de Paris se font plus critiques sur la gestion sur place de certains projets d’investissements, petits ou grands. «On a parfois l’impression qu’Aveyron ne rime qu’avec subvention quand on aborde l’économie, et que celles-ci vont toujours aux copains.»