Agriculture

Dossier Salon de l’agriculture 2006 : Année Charnière

Alors que plane la menace du H5N1, 2006 devrait faire figure d’année charnière pour l’agriculture française. De profonds changements sont à l’œuvre notamment sur le plan des nouvelles façons de produire, avec la mise en place des Droits à Paiements Uniques (DPU). Pourtant réclamée de tous côtés, la Révolution Culturelle reste à faire. Car le système agricole continue de marcher sur la tête.

Au Salon de l’Agriculture, l’Aveyron n’est pas le dernier département à faire parler de lui. C’est une belle fenêtre pour les politiques et les institutionnels qui n’hésitent pas à casser notre tirelire –on parle de 250 000€- pour s’offrir un beau stand animé. Ils jouent sur l’image d’une agriculture rassurante avec des produits authentiques, des fromages AOC, des charcuteries artisanales et des  viandes labellisées.
Rassurante ? L’agriculture aveyronnaise est d’abord un concentré de paradoxes. On y trouve tout et son contraire. De prospères éleveurs de bovins viande et de petits éleveurs de brebis laitière, et l’inverse. De beaux symboles du système agroalimentaire français, tels que le semencier RAGT en pointe sur les OGM, des groupes laitiers géants, comme Lactalis maison-mère de Roquefort, des coopératives qui distribuent des engrais comme Unicor. On trouve aussi le berceau d’une Confédération Paysanne, alternative à la FNSEA, qui défend une agriculture, parfois utopiste, mais moins productiviste que celle qui a symbolisé la France des Trente Glorieuses.
Malgré les débats récurrents entre “Conf“ et FNSEA, tout ce monde, vivait vaille que vaille dans un système bien encadré de subventions, de primes de montagnes et de prix garantis. Cette année, ça risque de changer. Désormais, les primes (elles représentent 50 milliards d’€ et la moitié du budget européen dont la France est le grand bénéficiaire avec 9 milliards) seront versées sur une base de droits historiques perçus en 2002. Cette prime unique sera conditionnée à des pratiques plus respectueuses de l’environnement. Terminé l’épandage des engrais ou les tas de fumiers posés en pleine nature. Exit les eaux de rinçage des machines à traire s’écoulant dans les rivières : dans un délai de trois ans, les agriculteurs devront procéder à de sacrés investissements s’ils veulent continuer à percevoir leurs primes.
Beaucoup vont devoir s’adapter, investir, se remettre en question. Cette remise en cause touchera également les groupes et coopératives aveyronnaises qui ont bâti leur prospérité sur un système où le maître mot était produire plus. On rappellera à ce sujet que la France est, en tonnage, le troisième consommateur mondial de pesticides.

agroentraygy

L’idée d’un produire mieux à la place d’un produire plus, n’a pas encore pénétré toutes les têtes. Une révolution culturelle reste à faire. Sur ce point, Jean Laurens patron de la Chambre d’Agriculture ou Léon Maillé, membre historique de la Confédération paysanne semblent d’accord. Bref, tout ets loin d’être réglé dans ce système qui interdit toute synthèse. L’irrigation demeure subventionnée –malgré les sécheresses, tout comme certaines pratiques de drainages sur les causses et les monts d’Aubrac. Des drainages qui n’ont pas compté pour du beurre dans les inondations récurrentes du Lot de ces dernières années.

Et puis, il y a l’inéquité de ces primes. Avec un taux de prélèvement obligatoire de 47%, de plus en plus de Français (et de paysans) voudraient bien qu’elles soient davantage versées en fonction des revenus et non en fonction des critères d’antériorité ou de taille de l’exploitation. Pour nos hommes politiques, cela semble aussi suicidaire que de demander aux fonctionnaires de travailler 40 heures par semaine ou aux cheminots de prendre leur retraite à 65 ans.

Face à ces défis, le H5N1 vient assombrir le tableau et le spectre d’inquiétudes et de craintes. Seule façon de conjurer le malheur mangez du poulet d’Aveyron !