Si Jean-Bernard Bros avait été un fils obéissant et respectueux de la tradition, il serait sans doute aujourd’hui, à la tête de quelques prospères Brasseries parisiennes.
Il avait en effet tous les atouts de la filière bougnat. Un père arrivé à Paris avec son patois, une sœur, pastourelle de l’Aveyron et assidue de la bourrée de Paris. Or, il n’est pas à la tête d’une brasserie mais de la politique du tourisme à Paris au sein de l’équipe municipale que dirige depuis plus d’un an un autre Aveyronnais d’adoption, Bertrand Delanoë. Dans un milieu réputé jusqu’à présent plutôt conservateur comme celui des Aveyronnais de Paris, le parcours de ce fils de lozérien originaire de Termes et d’une aveyronnaise du Cayrol détonne.
Comment ce «deuxième génération» -il a 46 ans- a pu se retrouver là ?
Le vent de contestation post-soixante huitard de sa jeunesse et un goût du défi l’a très vite poussé à remettre en cause les valeurs parentales. «Quand je rentrais le midi au bistrot familial de la rue des Haies, je balayais la sciure et j’aidais à servir les clients. Mais je n’avais qu’une chose en tête : sortir de l’univers du bistrot. N’avoir vu mes parents ne faire que ça tous les jours de la vie renforçait ma motivation à voir autre chose».
Cette révolte d’adolescent alimentée par le climat de l’époque le poussa donc à renâcler très tôt devant les traditions de la filière rouergate.
Dès 12 ans, il déserte les banquets d’amicales. Les images qu’il en conserve sont communes à ceux de sa génération quand le banquet demeurait pour certains patrons de cafés aveyronnais l’unique occasion annuelle de faire étalage de leur réussite. Avec les années, il analyse le système d’une autre façon. «L’argent est un moyen et non une fin, il ne donne jamais le droit d’être arrogant. Mais aujourd’hui, je comprends mieux ces comportements de ceux qui ont amassé un pécule à force d’un travail acharné confiné dans le même endroit.»
Dès 1974, après avoir soutenu la campagne du candidat François Mitterrand, il adhère au MRG (Mouvement des Radicaux de Gauche). Un engagement qu’il relie à une culture politique aveyronnaise.
«Etre radical, c’est presque une tradition aveyronnaise si l’on se réfère à Robert Fabre ou à Jean Rigal, » Pour faire plaisir à son paternel, Jean-Bernard fera quand même l’école hôtelière, avant de se tourner vers d’autres voies dans l’immobilier et le tourisme. C’est sur cette dernière voie qu’il bâtira sa carrière en montant différentes agences de voyage, tout en se présentant sous l’étiquette MRG à divers scrutins comme les Régionales en 1998.
Aujourd’hui à la tête du tourisme de Paris, il a repris ses réflexes d’ancien professionnel du tourisme. Il veut poser les jalons d’une politique du tourisme à Paris pour les quinze prochaines années. La ville draine chaque année 26 millions de visiteurs.
«Que fera-t-on à Paris en 2020, si elle en attire 100 millions ? » Et de citer l’exemple de Gustave Eiffel qui escomptait pour sa tour un maximum 500 000 visiteurs par an. Ils sont six millions aujourd’hui. D’où le projet d’investir près de 80 millions d’Euros dans un gigantesque sous-sol sous la tour Eiffel, de définir une autre politique de point d’accueil ou encore de « travailler » Paris à l’international.
Et les Aveyronnais dans tout ça ? Et bien, malgré tous les projets et la politique -il se présente comme candidat à la députation aux législatives dans son quartier le XVIIe- JB Bros n’échappe pas à un retour de bâton des racines et de la tradition. Il n’oublie pas le Cayrol maternel, et le cousin qui a gardé la ferme et continue à faire de la vache Aubrac.
Les Aveyronnais non plus ne l’oublient pas, il devrait présider le banquet de l’amicale de Bertholène… Le retour du fils prodigue ?