Agriculture

Le regard d’un nouvel agriculteur aveyronnais.

Dossier Salon de l’agriculture 2006

agrijoss Josse Lemattre, 42 ans, porte un regard intéressant sur l’agriculture aveyronnaise. Après 14 ans passés dans l’Indre comme fermier en brebis viande, il est arrivé en Aveyron en 2001. Il a racheté en 2004 une exploitation à Comprégnac près de Millau. Montant de l’investissement : environ 430 000 euros pour 220 brebis Lacaune fournissant du lait pour Roquefort. Pour ce fils de citadin, père de quatre enfants, l’agriculture c’est une passion. Heureusement pour lui, car il est d’astreinte 365 jours par an, avec un réveil quotidien à 6 h. Le chiffre d’affaires de l’exploitation voisine les 75 000 €, le bénéfice de 25000 € part presque intégralement au remboursement des emprunts.

Interview

La nouvelle PAC ?
«Sur les nouvelles orientations de la PAC et sa visibilité, je suis un peu sceptique. Ca communique mal sur la nouvelle politique agricole et la “désintensification“.  A propos des droits de paiements uniques, ils ont été calculés sur la base des subventions allouées en 2002, or à l’époque on ne savait pas que ce serait le cas, il y a un manque de visibilité. Quoiqu’il en soit, on devrait les percevoir jusqu’en 2013, mais au-delà…»

Et les primes ?
«Si nous n’avions pas les primes, 90% des agriculteurs seraient dans le rouge. C’est vrai que certains en Aveyron gagnent beaucoup d’argent grâce aux primes. Mais c’est une goutte d’eau comparée aux grands céréaliers du nord de la Loire. Evidemment, il serait plus juste que les aides soient attribuées en fonction des revenus. Le seul qui avait osé aborder l’allocation des primes en fonction des revenus a été Rocard, on l’a vite retiré. Quel politique aura le courage de remettre ça sur le tapis ?»

Et la pollution ?
«Depuis 2006, le versement des aides est conditionné au fait que l’agriculteur pollue moins. Concrètement pour moi, cela implique que je dois traiter mon tas de fumier, soit en le couvrant, soit en le mettant dans une fosse étanche qui retiendra le « jus de fumier  » et éviter son écoulement vers le Tarn. Comme tous les éleveurs de brebis, je dois aussi installer une station d’épuration pour traiter les “eaux blanches“, ces eaux de rinçages des appareils de traites, chargées de lait et d’acides, qui sont très polluantes. Cet investissement va me coûter environ 20 000 €, et presque autant pour le fumier. On a beau être aidé à 30%, on comprend que les agriculteurs traînent les pieds. Surtout que dans la plupart des cas, il n’y a pas de différence entre le comptabilité du foyer et celle de l’exploitation. Un investissement pour l’exploitation c’est donc de l’argent en moins pour la famille. Mais cette fois-ci, on y est vraiment obligé dans un délai de trois ans, sinon plus de primes…

Idem, pour les épandages d’engrais. Moi, j’essaye d’utiliser mon fumier pour qu’il soit utilisé au maximum par les plantes et non dispersé par les pluies. Mais c’est surtout dans le Ségala, que se pose le problème de l’épandage.

Et l’irrigation ?
«Je fais du sorgho irrigué. La culture irriguée, c’est l’assurance d’une quantité d’aliment garantie pour les brebis. Je ne vois pas comment je pourrais m’en passer. Car à Roquefort, l’INAO (l’institut en charge des AOC) nous interdit d’aller au-delà d’une certaine proportion de fourrage acheté.
Critiquer l’irrigation, c’est un discours simpliste sur l’agriculture qui vient souvent, il faut le constater, d’une partie de la population qui peine le moins au travail. C’est assez facile de critiquer quand on n’est pas dedans. On n’irrigue pas pour le plaisir !»

L’agriculture comme vocation ?
«De moins en moins de jeunes sont attirés par l’agriculture. Comme beaucoup, par exemple, je n’arrive pas à trouver un associé. C’est surtout l’astreinte de ce métier qui rebute les jeunes. Il y a aussi la mise de fonds initiale. Même avec une dotation et un emprunt Jeunes agriculteurs permettant de réunir 110 000 €, on ne va pas très loin. »