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Interview de Daniel Carrière à propos d’Alfred Merle et de Jean Carrière, résistants rouergats

A 76 ans, ce natif de Millau a fait une bonne partie de sa carrière dans l’habitat social, la coopération internationale pour le développement économique notamment à l’OCDE. Bref, il a la fibre sociale et a œuvré durant des décennies à l’insertion économique des plus modestes.

«Il y a trente ans, j’aurais sans doute pris contact avec des chasseurs de criminels nazis…»

Avec ce livre dédié à votre père et à votre grand-père, vous obéissez à un devoir de mémoire ?

En publiant ce livre, j’ai souhaité que les jeunes en général et mes enfants en particulier sachent que le pire peux toujours se produire.
En septembre 2011, lorsque nous avons cédé les archives de la famille à la municipalité de Millau, j’ai donné à l’occasion une conférence liée à la publication de l’ouvrage. Et j’ai pu me rendre compte à quel point le livre avait ouvert les yeux à certains sur ce qui s’était produit durant l’occupation. Y compris dans ma propre famille. Depuis, il n’y a pas de jour qui passe où je ne reçoive des témoignages de ceux qui ont connu mes parents et mes grands-parents.

Concernant votre grand-père, les Allemands ont prétendu qu’il s’était suicidé par pendaison ?

C’est faux. Il est mort sous la torture. Les Allemands ont tout fait pour cacher les motifs de son décès. Ils ont même fait garder sa tombe. A la lecture des archives, et notamment des minutes du procès des membres de la Gestapo de Rodez, je me suis fait une idée très précise sur l’identité de l’assassin de mon grand-père. Je pense à Alfred Buschendorf qui était chef de la Gestapo de Rodez. Il a filé dans la nature quand il a reçu à son domicile de Cologne la convocation de la police britannique. C’était en 1950. Si j’avais eu ces données en main, il y a trente ans, j’aurais sans doute pris contact avec des chasseurs de criminels nazis pour le retrouver. Mais aujourd’hui, il doit être décédé.

 

Votre livre fait aussi prendre conscience que parmi les gantiers, votre grand-père, Alfred Merle, fut plutôt seul pour refuser de succomber aux sirènes de la collaboration et de l’antisémitisme ?

La Maison Buscarlet pour laquelle travaillait mon grand-père était considérée comme une « maison gaulliste ». Elle a ainsi reçu des commandes de moufles destinées aux soldats allemands du Front de l’Est moins importantes que ses homologues. L’historien Henri Moizet, qui a préfacé le livre, a aussi fait état de présomptions de collaboration très active de certains gantiers. Victor Guibert, par exemple, président de la Chambre de Commerce de Millau à l’époque, s’en est sorti à la fin de la guerre car il avait financé des maquis. Mais s’il a réussi à passer entre les mailles du filet de la justice, il a été obligé de quitter Millau.

 

Tout cela prouve à quel point, l’ambiance dans une petite ville comme Millau durant l’Occupation a pu être épouvantable ?

Tout à fait. Et je pense à ce sujet que la Gestapo n’est pas venue comme ça par hasard appréhender mon grand-père et mon père. Elle a été prévenue par quelqu’un. J’ai dans mon « radar personnel » trois personnes que je soupçonne d’avoir pu lui fournir des informations. Cependant tant que je n’aurais pas de preuve irréfutable, il va de soi que je ne publierai rien à ce sujet.

 

Lire le texte consacré à Alfred Merle et Jean Carrière