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Interview de Jean-Marie Périer, aveyronnais d’adoption

L’Aveyron, vous en parlez tout le temps, pourquoi et comment ? 

Il y a cinq ans, je n’avais plus un rond et j’ai cherché sur la carte quelque chose loin de Paris à l’écart de tout, difficile d’accès sans aéroport. Car lorsqu’il y a un aéroport quelque part les cons arrivent.  
J’ai filé à Figeac et j’ai cherché quelque chose à moins de 100 briques (150 00 euros-NDLR) . J’ai trouvé une fermette de trois pièces, à la lisière du Lot, du côté de Villefranche. Le premier village est à 7 km, c’est Villeneuve. 
C’est devenu mon rêve, j’y passe l’hiver 15 jours par mois, et à partir du 15 mars c’est plutôt 20 jours. Le summum du luxe c’est d’être là-bas et d’avoir du temps. Je ne me vois pas finir là-bas, je vais finir là-bas. J’ai peut-être moins de 20 printemps à passer, alors chaque printemps je ne le rate pas. Ici, la gentillesse des gens est stupéfiante. Plus de photos, terminé, maintenant dans le silence, j’ai mon petit clavier et j’écris.
 
Vous êtes revenu de l’Amérique, pays de vos rêves, pour fantasmer sur 
l’Aveyron ?

J’ai idéalisé l’Amérique durant des années. Pour moi, l’Amérique c’était le cinéma. J’y ai vécu longtemps. J’ai découvert l’horreur, là-bas tout le monde veut « niquer » tout le monde. Une vie qui se ressemble à un jeu packman où l’on passe le temps à se bouffer. Ca sert à quoi tout ça ?

Qu’est-ce qui vous touche chez les gens de votre nouveau pays d’adoption ?
Leur gentillesse et leur élégance. C’est d’être dans une petite maison où l’ancien propriétaire qui est né et a vécu là, s’occupe du jardin sans rien demander. Il a l’élégance d’un prince. Moi, je vis à Paris au milieu de gens méchants sans élégance, comme certains animateurs télé qui se croient tout permis.
Là-bas, on parle cuisine, du temps qu’il fait, et éventuellement de l’extrême droite. Mon meilleur ami c’est un paysan du Lot, on en discute souvent Si les gens votent Le Pen dans des villages où ils ne voient pas un arabe ou un noir c’est parce qu’ils sont désespérés. Mais je ne me sens pas, moi qui suis né à Neuilly et qui a été gâté par la vie de leur rentrer dans le lard. Mais je leur parle.

Quand vous leur dites la vérité sur votre père biologique (Henri Salvador -NDLR), ça doit les étonner ? 

Quand je leur dis qui est mon vrai père, ils sont emmerdés, ils sentent que ça ne colle pas avec l’idée qu’ils se font des noirs.
Et puis il y a Odette ? 
A chaque fois que je descends, je lui passe un coup de fil deux heures avant pour lui dire que j’arrive. Elle me prépare un dîner délicieux et l’on mange tous les deux dans le silence, loin de la comédie humaine de Paris. Je l’ai invitée pour le jour de l’inauguration de l’exposition sur mes photos à la Mairie de Paris. Elle a serré la main à Delanoë et à Johnny. Mais ce jour-là, ce qui m’a fait le plus plaisir c’était de la voir elle, là. Ce genre de rencontre, n’aurait jamais dû arriver, c’était impossible. 
Un jour, Paris-Match m’a demandé de faire la photo des 60 ans de Johnny avec 60 personnes –le gratin-. Sortant de là je déjeune avec deux amis, Jacques Dutronc et Eddy Mitchell, que demander de plus ? Et bien j’ai filé en voiture et à 20 h, j’étais avec Odette en train de dîner au milieu de rien dans le calme. C’est ça le luxe pour moi.

Vous emmenez des femmes en Aveyron ? 

Cela fait six ans que j’ai plus de femmes. Je n’en veux plus. J’ai fait le tour du problème définitivement et je préfère être tout seul une fois pour toutes.

En fait, ce coup de cœur pour l’Aveyron semble presque normal pour quelqu’un comme vous qui avez tout vu, voyagé, partagé des moments ou de l’amitié avec les plus grandes stars et est revenu de tout ? A commencer par les turpitudes parisiennes ?

Quand je les photographiais Johnny, Eddy et toute la bande, on avait le même âge, on s’amusait tant que je ne prenais même pas de photos. Je pensais que je mourrais à trente ans et puis voilà 34 ans que je fais du rab.